Un „pacemaker“ cervical devrait permettre de combattre durablement
la dépression
22 Feb 2011
Près de dix pour cent de toutes les dépressions existantes
évoluent de façon si dramatique que les patients ne réagissent à aucune
des méthodes de traitement utilisées habituellement.
Ces derniers temps, la stimulation ciblée de certaines parties du
cerveau au moyen d'une sorte de „pacemaker“ donne de nouvelles
raisons d'espérer: d'après de récentes études, le moral des patients
atteints de dépression grave et bénéficiant de ce traitement
s'améliore nettement chez la moitié d'entre eux.
Des médecins de l'Université de Bonn viennent, conjointement avec
leurs collègues américains, de proposer une nouvelle cible
structurelle sur laquelle mettre en oeuvre cette stimulation
cervicale profonde (telle est la dénomination officielle). Ils
espèrent obtenir ainsi un taux de réussite bien meilleur encore avec
des effets secondaires moindres. Leurs travaux sont parus dans la
revue de renom Neuroscience and Biobehavioral Reviews [1].
Lors de la stimulation cervicale profonde les médecins implantent
des électrodes dans le cerveau, Au moyen d'un pacemaker électrique
que l'on place sous la clavicule chez les patients concernés, les
médecins sont en mesure d'influencer durablement la fonction de
certaines parties du cerveau. Au départ cette méthode thérapeutique
a été développée pour soigner les personnes atteintes de Parkinson,
dans le but de réduire les dysfonctionnements moteurs.
Amélioration durable
Depuis quelques années cette méthode est également testée pour
soigner les malades atteints de dépression grave. Et ce, avec des
résultats étonnants et complètement inattendus: chez les patients
qui, des années durant, avaient parcouru sans succès un véritable
marathon thérapeutique, les symptômes se sont mis à diminuer très
nettement.
Et le plus surprenant dans tout cela, aux dires de
Monsieur Thomas Schläpfer, Professeur en Psychiatrie et en
Psychothérapie au CHU de Bonn, c'est que "dans le cas des patients
chez qui la stimulation a réussi la dépression ne réapparaît pas". "Cette
méthode semble agir durablement — et ceci chez la catégorie de
patients qui, d'après la littérature en la matière, résiste le plus
à toutes formes de thérapie. Cela n'était jamais arrivé avant ce
jour ."
Jusqu'à présent on a testé la stimulation cervicale profonde dans
trois parties du cerveau: le nucleus accumbens, la capsula interna
et une structure dénommée cg25. Curieusement les effets observés
sont pratiquement identiques – et ce, indépendamment du centre que
les médecins ont stimulé. Entre-temps les chercheurs de Bonn ont
trouvé, avec leurs collègues de Baltimore et de Washington, à quoi
étaient dus ces résultats: ils ont, grâce à une scanographie toute
nouvelle, mis en évidence le "câblage" de ces trois centres
cervicaux. "Nous avons alors remarqué qu'au moins trois de ces
régions – et même très certainement toutes les trois – dépendaient
d'un même faisceau de câbles", explique le Professeur Volker Coenen
spécialiste en chirurgie du cerveau à Bonn
Il est question de ce que l'on appelle le „faisceau médian
télencéphale“, une structure déjà connue de longue date chez les
animaux. Le „faisceau médian télencéphale“ forme une sorte de boucle
rétroactive, qui nous permet d'anticiper les expériences positives."C'est
ce circuit qui nous incite à passer à l'action", ajoute le
Professeur Coenen. "Chez les dépressifs il est visiblement déréglé.
L'une des conséquences en est une force motrice déficiente, symptôme
caractéristique de la maladie."
Le nucleus accumbens, la capsula interna et cg25 semblent être
tous les trois reliés au faisceau médian télencéphale - un petit peu
comme les feuilles d'un arbre à la branche dont elles sont issues.
Qui stimule une de ces régions du cerveau, influence aussi en même
temps, dans une certaine mesure, les autres composantes du circuit
commandant la motivation.
Le Professeur Coenen, qui le premier a
décrit d'un point de vue anatomique le „faisceau médian télencéphale“
chez l'homme, suggère à présent que l'on implante directement
l'électrode, lors d'une stimulation profonde du cerveau, dans cette
structure. "Ainsi nous pourrions envoyer les pulsations électriques
à la base du réseau et non pas, comme c'était le cas jusqu'à présent,
à la périphérie", avance Schläpfer. "Il est possible que nous
puissions alors travailler avec des intensités de courant bien
moindres et obtenir malgré cela des résultats bien plus
satisfaisants encore."
Une intervention comparativement sans risque
Des observations faites sur des patients atteints de Parkinson
semblent conforter cette idée: dans leur cas on stimule un réseau de
structures cervicales responsables de nos mouvements. Plus les
stimulations électriques se font à la base (pour dire les choses
métaphoriquement, plus elles se font près de la branche), plus leur
effet est grand. Parallèlement à cela on réduit le risque d'effets
secondaires indésirables.
De par le monde ils sont actuellement plus de 80.000 patients
souffrant de Parkinson à avoir un pacemaker cervical dans le corps.
"Les expériences faites jusqu'à présent montrent que l'intervention
au niveau du cerveau nécessaire à son implantation est relativement
sans risque", souligne le Professeur Coenen. "D'un point de vue
médical, rien n'interdit de recourir à cette méthode pour aider
aussi les gens souffrant de dépression grave."
Reference
1. Coenen VA, Schlaepfer TE, Maedler B, Panksepp J. Cross-Species
Affective Functions of the Medial Forebrain Bundle -Implications for
the Treatment of Affective Pain and Depression in Humans. Neurosci
Biobehav Rev 2010 Dec 21
doi: 10.1016/j.neubiorev.2010.12.009